Dans un récent numéro de Positif, il y avait tout un dossier sur la figure de Zorro dans le cinéma et les séries, à travers ses différentes adaptations. C'est un personnage intéressant, pour être un des premiers super héros et de plus, fortement ambiguë. Car c'est un héros coincé entre tradition et modernité, entre Robin des bois et Batman. Coincé entre vieille Espagne coloniale, aristocratique, crispé et moyenâgeuse envers la Californie moderne et Anglophone. Un des premiers héros modernes typiquement américains et surement un des plus intéressants dû aux nombreuses versions, de par son évolution, ou se filtrer déjà le patriotisme nord-américain. Mais comme cette affiche le montrait, à travers déjà son mélange linguistique, une forte interpénétration et une vision réduite de l'autre, quasiment stéréotypée. La culture qui est différente des USA, même voisine et toujours vue à travers les yeux des Américains et de leurs perceptions.
C'est donc pourquoi, Robert Rodriguez est bon lorsqu'il fait ce qu'il prétend, de la culture Tex-Mex. Une fusion bâtarde de ses origines avec la culture Américaine. Il l'avait déjà démontré avec Desperado, et très peu par la suite. Ce qui le définie est un mélange d'âme et de profondeur culturelle, qui passe par un folklore et une mythologie mexicaine chargée d'histoire. Avec en face celle Américaine, un empire de nature industriel, à la fois puissant et perçue pendant longtemps comme un nouvel El Dorado, généreux et parfois cruel envers ceux qui travaillent pour elle. En çà, Rodriguez se démarque, il est ce qu'il est et avec son héritage. Il fait du cinéma sans regarder trop au niveau théorique, comme le fait son collègue Tarantino. Par pur plaisir, même si parfois c'est en roue libre, mais ce qui tourne peut-être également chargé de bonnes idées. Il se sert d'un héritage culturel qu'il a acquis, en tant qu'américain, auquel il a rajouté son âme de Chicano. Chez lui, on sent l'influence et l'amour du cinéma bis, allant du B au Z. Avec un gout particuliers pour une liberté de ton qu'offrent les petits budgets, celui de ne pas rentrer dans le moule. Et en çà il a appris d'un des plus grands dans le genre, tel qu'est John Carpenter. Tout chez le tex Mex rappelle Big John dans ce film; le héros solitaire, le travelling sur les armes étaler sur la table, le plan numérique sur ordinateur et le bandeau noir sur l'œil droit sont tous tirés d'Escape from New York. Tel un évangile du bon révolutionnaire, cette fois-ci Chicano. Notamment du genre épique, avec un héros, des méchants, des belles filles et des situations improbables, tout ça de manière jouissive. Proches du grand guignol, ce dans quoi Rodriguez et ses acteurs se délectent avec humour, sensualité, sang et ironie.
Les chansons qui la composent en sont un bon exemple; celle des Texas Tornados, avec Hey baby que paso ?? Ce titre Spanglish et ce nom reflète bien ce mélange, cette fusion que veut et représente le film. Une reconnaissance d'une minorité si longtemps spoliée qui à droit à des idoles, même si ce dernier est à la fois un ancien policier fédéral au sud et un chicano de plus de l'autre côté de la frontière. Un mythe de plus mais propre, comme il y en a tant d'autres chez l'empire du nord. Danny Trejo est donc bien l'acteur idéal pour ce rôle; un chicano parlant mal l'espagnol, ancien drogué et ayant fait de la prison. Qui après cet enfer entra comme second couteau dans le cinéma, où il était facilement reconnaissable par sa gueule burinée, ses tatouages et ses muscles. Et qui marqua ainsi de son empreinte, même minime les films où il passait furtivement. Jusqu'à sa fructueuse collaboration avec son cousin Roberto tous aux longs de ses films, jusqu'à lui offrir son premier rôle majeur à 66 ans. Double âge christique pour cette figure.
Le film colle de manière étrange avec l'actualité américaine bizarrement, et les tentatives extrêmes des gouverneurs du sud de lutter contre l'arrivée des immigrants, ceci avec des discours populistes et racoleurs, proche du racisme. Alors que le système profite toujours au plus riche, car il est quasiment de nature féodal entre les deux peuples, et le dialogue est parfois réduit à la pure formalité d'échange, que ce soit de pouvoir (dominant/dominé), financier (exploiteur/exploité).
La loi devient donc une question de pure morale et chacun a à présent la sienne. Comme dans des temps immémoriaux. Il est temps et il est bon alors de voir ce genre de film, peut prétentieux mais avec un discours. Même avec un récit outrancier à tous point, c'est une bonne façon de divertir tout en attirant le regard sur un sujet et de demander des droits. Mais surtout de le faire avec rire, car c'est ainsi que ça peut bien mieux marcher. Car la où les différences présupposées sont nulles et infimes entre peuples. Ce ne sont que des querelles de voisinage.